Article paru dans
du
12 mars au 18 mars 2009.
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Viviane Courtin, enfant de la guerre, reconnue par l’Allemagne.
Le 19 février dernier, la nouvelle est tombée : après soixante ans passés dans l’ombre de l’histoire, les enfants de la guerre obtiennent enfin la double nationalité. |
Viviane, née le 28 janvier 1943 de ces amours défendues contingentes à la guerre, a appris son secret de naissance, à 6 ans, de la bouche insultante de son institutrice. À ses questions incessantes d’enfant rejetée, sa maman répondra obstinément : " Ce n’est pas ton histoire ".
Viviane Courtin vit aujourd’hui à Beaulat, sur la commune de Soumans, avec son mari Michel. " Mon beau-père, Georges Guéret, avait quitté Auges pour Paris où il a rencontré ma mère. Mais je venais passer toutes mes vacances à Auges. " Viviane s’est mariée à Paris avec Michel, dont elle eut trois enfants, Laurence, Philippe et Aline. En 1966, alors que ses parents s’installent définitivement près de Chambon-sur-Voueize, elle décide elle aussi de revenir en Creuse. Au
décès de son mari, en 1974, Marcelline, la mère de Viviane, dépose enfin son lourd fardeau : elle montre à sa fille, dans un médaillon en forme de cœur, les photos de son père et de sa mère. Elle lui révèle du même coup sa longue histoire d’amour avec Willi Schmitz, un soldat
allemand incorporé à 39 ans, marié en Allemagne et père de deux enfants adolescents.
Des retrouvailles sur un plateau télévisé allemand.
Au décès de sa maman en 1994, Viviane a 51 ans, et malgré un "ménage" radical effectué par sa sœur cadette complice de sa mère, elle retrouve la correspondance de son père, dans laquelle il s’inquiète d’elle et des amis d‘alors. " Car mon père n’était pas un nazi, précise fièrement Viviane, il a même sauvé des vies en se dérobant aux consignes de dénonciation qui lui étaient assignées. " Elle va alors se lancer à sa recherche avec une détermination qui ne lui fera négliger aucun des moyens médiatiques à sa portée : " L’émission “Perdu de vue”, dit Viviane, me permet d’obtenir en mai 1995 des adresses qui me conduiront à ma famille via une émission télévisée en Allemagne, où je ferai la connaissance de mon demi-frère et de ma demi-sœur. " Malheureusement, elle apprendra le décès de son père, mais pourra se recueillir sur sa tombe. Sa famille allemande lui rendra visite en Creuse, et elle-même retournera en Allemagne. En avril 2008, à l’initiative de Bernard Kouchner, Viviane, comme 140 des autres adhérents à l’Aneg (Association nationale des enfants de la guerre), demande par une annonce dans le Journal Officiel sa double nationalité. Le 19 février dernier, la nouvelle tombe à l’Agence France Presse : après soixante ans passés dans l’ombre de l’histoire, les enfants de la guerre sont reconnus par l'Allemagne. En feuilletant ses albums photos, Viviane ne cache pas son amertume devant tant d’années gâchées qui l’ont privée de son père vivant, mais elle est convaincue que cette reconnaissance pourrait bien faire d’elle un symbole de la réconciliation entre les deux pays.
Madeleine Rivière
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