P O È M E S
G e d i c h t e
Bonjour PAPA,

Excuse moi, c'est la première fois que je t'écris
Toi que je ne connais pas, Toi que je n'ai vu qu'une fois,
Toi à qui je n'ai pu rien dire, Toi qui n'a rien pu me dire,
Toi qui, pourtant, était mon Papa.
Ni Toi, Ni Moi ne parlions la même langue,
Ton langage qui fut aussi le mien
Celui que j'ai entendu aux premières heures de ma vie
Celui que l'on m'a parlé pendant un an et demi
Celui aussi que l'on a interdit de me parler,
En France
Celui que j'ai perdu comme je t'ai perdu.
Je t'ai rencontré Papa, seulement rencontré
Je ne t'ai pas retrouvé, j'ai rencontré mon Papa
Cet inconnu que mes yeux de quatorze ans regardaient pour la première fois.
Je t'ai encore regardé pendant quelques petits jours
De ces soirées d'été qui ne t'avaient pas donné congé.
On s'est regardé... Je t'ai regardé
Nous étions comme deux étrangers qui savaient sans pouvoir se parler...
Sûr que tu en savais plus que moi... Tu n'as rien pu me dire
Celle avec qui tu m'as conçu pas beaucoup plus.
On s'est croisé Papa, rien qu'une fois, sans pouvoir se parler.
J'ai reçu de toi quelques pauvres petits cadeaux
Une paire de bottes en cuir avec des semelles cloutées
Les mêmes que portaient ces militaires que l'on voit dans les documentaires
Un appareil photo sans pellicule, resté vide pour toujours
Un beau pipeau de bois avec lequel j'ai souvent joué : "Fais ta prière Tom Dooley..."
Puis le temps a tout dispersé dans les turbulences d'une trentaine de déménagements.
Maintenant que je suis grand-père Papa, je me demande encore pourquoi ?
Bien sûr, on m'a souvent dit : "C'était la guerre..."
Il n'y a pas si longtemps que je sais que nous sommes encore des dizaines de milliers.
Le silence des autres m'avait tout caché
Mon silence me laissait à côté
Gêné, emprunté, comme un étranger.
J'étais là, j'y étais bien et ce s'en est allé
En me laissant chez ce quelqu'un d'autre,
Étranger, que ma mère avait épousé.
J'ai résisté.
Toute ma vie j'ai résisté devant tous ceux qui pensaient qu'il fallait que je sois plutôt autrement,
Toute la vie j'ai cherché à comprendre pourquoi les uns pensent qu'il faut être "comme ça"
Parce qu'il a été décidé que ça devait être "comme ça"...
J'ai souvent entendu ce mot : "Discipliné"
Ils étaient disciplinés tous ceux dont les "restes"
Sont sous les croix des cimetières des deux "Grandes guerres"
Ils étaient "disciplinés" tous ceux qui ont spolié, déporté, asphyxié, brûlé
Ces millions de gens qui avaient le tord d'être "juifs", "tziganes", "homosexuels", "schizophrènes"
Ou qui n'étaient pas d'accord...
Ils étaient disciplinés les policiers français qui ont parqué au "Vel d'hiv" ces familles parisiennes,
Il fallait de la discipline pour les charger comme du bétail dans des wagons sans commodité,
Ils étaient disciplinés ceux qui, dans la milice, torturaient les "terroristes"
Qui n'étaient que des résistants refusant de se soumettre
Rejetant les règles imposées par les occupants.
Toi, Papa, as-tu résisté à la folie nazie ?
Toi qui m'as laissé grandir sans toi ?
Je voulais seulement te dire
Que depuis qu'ils ont voulu m'imposer une "fausse histoire"
Une histoire où tu n'existais pas
Je suis devenu "Résistant"
Partout où je suis passé j'ai résisté
Je suis pourtant discipliné Papa
Mais seulement s'il s'agit de "vérités"
J'ai trop de sensibilité Papa, parce que je sens la fausseté
Parce que je sais quand ce n'est pas vrai
Voilà Papa, je voulais te dire que je n'aime pas ceux qui ne résistent pas
Pourquoi Papa ne m'as-tu jamais invité chez toi ?
Était-ce ma mère qui ne voulait pas ?
Celle qui t'écrivait que j'étais un garçon compliqué ?
Je n'étais qu'un petit garçon solitaire qui s'interrogeait.
Voilà Papa, je ne suis pas sûr de l'existence de l'âme
Je souhaite seulement qu'elle existe
Trop d'hommes l'ont vendue aux démons
Qu'ils soient généraux ou maréchaux-ferrants
Dans nos belles sociétés blanches d'Occident.
La vie est intéressante Papa, même si j'ai grandi sans Toi
Parmi des démons qui ne le savent pas
Croyant même qu'ils ont raison de ce qu'ils font
Comme Eischman qui "obéissait" aux ordres.
Je n'aime pas le désordre Papa
Mais je n'accepterai jamais un ordre
Qu'une idéologie d'hommes veut imposer
Comme furent imposées au "fil de l'épée" ces religions
Qui ont aussi pratiqué l'inquisition.
AU REVOIR PAPA
Mon seul regret est d'avoir trop tôt perdu confiance
En tous ceux qui m'ont accompagné en pensant pouvoir me "manipuler"
J'espère au moins qu'on se rencontrera dans l'Au-delà.
C'est jamais facile de vivre sans son PAPA !


Siegfried-Hubert

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