Se réunir à Caen, ça c'est le bouquet !



Quel émouvant clin d'oeil à l'histoire que de venir se rassembler en cet endroit jadis martyrisé. Souvenons-nous que cette terre fut mutilée, abreuvée de sang et saoulée du bruit de la canonnade le 6 juin 1944. Malgré cela et surtout en cette période de l'année, elle nous en offre le meilleur puisé en ses entrailles, comme le ferait une victime d'outrances mais dont le coeur serait enfin apaisé.

Il suffit pour cela d'observer le moindre talus par-ci, une grasse prairie par-là pour y remarquer un foisonnement de fleurs sauvages jaillissant sans retenue, captivantes de beauté. Parmi ces belles épanouies se distinguent de fragiles bleuets, les blanches marguerites et d'écarlates coquelicots. Généreuse et tendre Normandie !

Ainsi nous voilà ici, à Caen, et venus de toute la France nous réunir comme pour y composer un inhabituel mais très original bouquet. En effet, je ne résiste pas à la tentation d'utiliser cette comparaison champêtre, car je nous vois semblables à ces fleurs semées au gré du souffle d'un vent d'été. Évidemment je n'oublie pas que pour nous ce fut le vent violent et fou que les hommes s'emploient à faire souffler, celui de la guerre.

La vue d'un frais bouquet conduit souvent à s'émouvoir, à s'attendrir. D'ailleurs, tout en éclairant notre regard, l'on peut parfois se surprendre à sourire aux chatoyantes et séduisantes corolles.

Sourions donc au merveilleux de la vie, être nés malgré ce temps fou, dans le fracas de la mitraille. Soyons conscients de cette chance ! Bien sûr je sais que pour beaucoup d'entre nous, le chemin de l'existence fut tourmenté et pavé d'intolérables douleurs.

Pour autant l'heure est venue de cueillir la beauté de l'instant, le bonheur d'être présent, de pardonner au passé et de sourire à la vie. Nous "Les enfants maudits de la guerre" (Ouest France du Lundi 5 juin 2006), sourions simplement comme nous le faisions devant les appareils photographiques et la caméra de la télévision allemande. Ceux-ci étaient venus nous découvrir tout en nous permettant de dire librement et publiquement notre existence. À l'occasion de cette première rencontre, la discrétion pour certains et la timidité pour d'autres empêchèrent quelquefois de nous aborder et discuter avec aisance. Néanmoins cette assemblée générale eut le mérite de se faire. Mais pour cela, que d'énergie, que d'efforts, il aura fallu à nos dévoués "pionniers" ainsi qu'à notre "Manon des sources", rassemblant avec patience autant de fleurs éparpillées et parfois bien sauvages, je veux citer la divine Jeanine.

La presse, les photographes, le cameraman, tout en relayant notre assemblée, montrèrent ce à quoi nous ressemblions. Il faut s'en réjouir. Et tant pis, si leurs images reflètent sans vergogne des silhouettes de sexagénaires décorés de rayonnantes calvities, de mines réjouies autant que rubicondes couronnant harmonieusement de respectueux embonpoints.

L'un de ceux-là qui attend la prochaine rencontre avec impatience.


Bien amicalement à tous,
Gérard Périoux.




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"Compte rendu
A.G. CAEN"